Brin du jour

Gare aux poussettes

Elle prenait le train comme on dit,

bondé de fin de journée.

C’était un soir, un jeudi soir, à être précis.

Embarquant à son départ, elle avait eu une place assise,

ce qui deviendrait rare, de gare en gare.

Elle avait vite ouvert son livre,

reprendre son fil et souhaiter pouvoir le garder.

Mais une voix d’homme, ferme et prévenante, l’en avait extirpée.

Il admonestait une femme, qu’elle ne vit pas.

La voix venait d’entre deux wagons, au milieu des valises, jambes, vélos, escaliers et portes,

c’est là qu’elle aperçut au sol et de loin une poussette isolée, de biais, d’où émergeaient quelques cheveux bruns bouclés.

Son regard remonta jusqu’à la voix de l’homme, il portait une tenue de rigueur pour la Sûreté ferroviaire, ils étaient trois.

Il avait cherché la personne qui allait avec la poussette,

une voix féminine avait retentit faiblement quelque part, grommelant.

Il lui avait dit qu’il ne fallait en aucun cas laisser un enfant sans surveillance et qu’il en disparaissait un chaque heure, de cette façon là, qu’elle ne se rendait pas compte..

Interpellée par cela, elle n’avait pas aussitôt repris sa lecture, elle s’était mise à penser qu’il exagérait peut-être quelque peu et imaginé que cette femme n’était pas loin, qu’elle devait être  fatiguée et qu’elle avait aussi saisi l’opportunité d’une place assise, de laquelle elle regardait très certainement le petit garçon endormi.

Mais quand la femme se leva, elle vit qu’elle était assise bien trop loin pour apercevoir quoique ce soit.

Comment en arrive-t-on à cela se demanda-t-elle? Fallait-il être particulièrement confiant? Indifférent? Délaissant?

En elle, alors, la petite machine s’était mise en route, si vite:

Elle se demandait pourquoi elle, qui, elle se le jurait, aurait veillé au petit garçon bouclé sans guère cesser de le regarder, n’avait-elle pas pu avoir d’enfant et comment cette femme du bout du train avait-elle pu ainsi s’éloigner du sien?

Elle n’aimait pas ces pensées et ses éprouvés, elle les connaissait, rares et furtifs elle les avait toujours surveillés et avait décidé de les tenir éloignés car se disait-elle la vie est un mystère et les situations toujours plus complexes qu’elles n’y paraissent. Une amie lui avait dit un jour que rien n’était plus ou moins juste pour untel ou un autre, que là n’était pas la question, que chacun avait le chemin qui était le sien. Elle avait fait sienne cette direction et avait vu s’éloigner au fil des années ces éprouvés envieux, empreints de rancœur amère.

Quand elle arriva à destination, descendant par l’entre-deux wagons, elle vit le petit garçon, toujours endormi, le découvrit tout sali et vit au loin la dame assise par terre, de dos, peut-être assoupie.

Il peut passer de drôles de choses par la tête dans ces moments là…

Les voyageurs s’aperçurent-ils que la poussette avait disparue?

 

 

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